De la musique des sphères



Damoiselles et damoiseaux, au fond de vous sommeille un troubadour qui ne demande qu’à sortir. Laissez-moi donc vous parler de cet art si particulier qu’est la musique. Art, mais aussi science, capable de refléter, à l’instar du miroir, la nature : celle du monde, et celle de l’homme. Quoi de plus logique, au sein de la grande famille aristotélicienne, d’approcher le grand mystère qu’est la musique des sphères !

En tant que science, la musique des sphères reconnaît en ses adeptes Platon et Pythagore. S’inscrivant notamment dans la continuité de Platon, notre cher Aristote nous adresse un message d’une importance primordiale : à l’univers, régi par des rapports numériques harmonieux, seraient assimilées les proportions musicales. Ainsi la Lune, un des deux piliers principaux, correspondrait au Ré, Mercure à Ut, Vénus à Si, le Soleil (deuxième pilier) à La, Mars à Sol, Jupiter à Fa, Saturne à Mi. Platon lui-même parlait de la musique des sphères comme la fabrication des proportions de l’Ame du Monde par le démiurge, les intervalles musicaux établissant les correspondances suivantes : ½ à l’octave, 2/3 à la quinte, ¾ à la quarte, 9/8 au ton. Il rejoint ainsi la théorie de Pythagore. Il existerait donc un lien analogique entre les sphères en déplacement dans le cosmos, produisant une mélodie céleste – que l’on appellerait alors musica mundana, musique du monde – et la musica humana, faisant appel au subconscient de l’être humain à travers sa voix. Cette dernière est elle-même intimement liée à la musica naturalis, qui harmonise l’âme et le corps, la voix humaine rejoignant la musique artificielle instrumentale…. Notre métier si particulier de troubadour en dépend notamment.

Nous retrouvons ainsi peu à peu notre musique en tant qu’art, rejoignant l’âme du monde par l’âme humaine. Boèce, plus tardivement, reprend tout comme Platon la théorie de Pythagore en se représentant ainsi l’harmonie de l’univers : la musica mundana, complémentaire de la musica humana et de la musica instrumentalis (qui n’est autre qu’une imitation de la nature, qui forme l’âme au perfectionnement). A sa suite, nombre de musiciens découpent les notes – tels les piliers définis par Aristote – en deux sphères : celle du ciel, ou de la musica mundana, un idéal sonore inaudible pour les hommes ayant vécu la chute ; et celle de la terre, de la musica humana, un écho imparfait et incomplet de la musique du ciel, produite après la chute. Ainsi fait, la complémentarité de ces deux sphères musicales crée des mélodies amenant l’Ame vers des dimensions eschatologiques, d’incarnation, d’élévation, de chute ou d’exaltation…

Faut-il alors se poser la question : notre art si courtois de troubadour, associé à celui des trouvères, n’est-il pas si proche finalement de l’église aristotélicienne ? En effet, si la musique peut élever l’âme, vers l’amour comme vers la Foi… ne serait-elle pas nécessaire à toute tradition religieuse ? Mais ceci est un autre sujet…

Jmorelle

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